SAINT-PETERSBOURG (Russie) (AFP) - Le président russe Dmitri Medvedev a accusé samedi les Etats-Unis d'avoir provoqué la crise financière mondiale par excès d'ambition, leur opposant l'exemple d'une Russie "consciente de sa responsabilité pour le sort du monde" et futur leader économique.
S'exprimant devant des milliers d'hommes d'affaires, de responsables russes et étrangers réunis au Forum économique de Saint-Pétersbourg, le président s'en est vivement pris à "l'illusion qu'un pays, même le plus puissant au monde, puisse jouer le rôle de gouvernement mondial".
"C'est précisément le fait que le rôle des Etats-Unis dans le système économique mondial ne correspond pas à ses capacités réelles qui a été une des principales raisons de la crise actuelle", a-t-il insisté.
La Russie, à l'inverse, "est un acteur mondial qui est conscient de sa responsabilité pour le sort du monde", a-t-il martelé. "Nous voulons participer à la formation des règles du jeu, pas en raison d'ambitions impériales, mais parce que nous sommes conscients de notre responsabilité et que nous possédons des ressources", en particulier énergétiques, a-t-il poursuivi.
Là où d'autres pays se sont consacrés aux biocarburants, aggravant la crise alimentaire, la Russie libéralise son marché du gaz et prend des mesures fiscales pour relancer sa production de pétrole, ce qui contribuera à "stabiliser les marchés énergétiques mondiaux", a-t-il souligné en exemple.
Commentant ce discours peu après, le secrétaire américain au Commerce, Carlos Gutierrez, a remarqué que le président avait fait "plusieurs déclarations très fortes", mais a rejeté la notion de "crise", préférant évoquer un "retournement de croissance".
M. Medvedev, qui est considéré comme un libéral, a succédé à Vladimir Poutine il y a un mois: il a depuis promis de renforcer l'état de droit, lutter contre la corruption et faciliter l'existence des PME russes. Son discours était très attendu par les participants au Forum.
Il les a assurés de son ambition de faire de Moscou un "centre financier puissant" et du rouble "une des principales monnaies de réserve régionale" et d'encourager "l'innovation". Les dirigeants russes reconnaissent volontiers qu'en dépit de son dynamisme, l'économie demeure obstinément dépendante des
carbures.
Mais dans les couloirs du Forum, la question la plus brûlante était plutôt celle de la crise aiguë opposant les actionnaires russes et britanniques du troisième groupe pétrolier russe, TNK-BP.
Bien qu'il s'agisse d'une entreprise entièrement privée (détenue à 50% par trois hommes d'affaires russes et à 50% par la major britannique BP), beaucoup d'analystes estiment que la cascade d'ennuis qui s'est abattue sur elle depuis quelques mois est liée à la volonté de l'Etat de reprendre en main une partie des actifs de TNK-BP.
Son dénouement est désormais une question de "jours", a assuré samedi son PDG Robert Dudley, alors que la plupart des protagonistes de l'affaire TNK-BP, présents au Forum, devraient en profiter pour aborder la question. M. Dudley a ajouté "n'avoir aucune indication d'une vente de la part d'aucun actionnaire". Le patron de BP Tony Hayward s'est dit pour sa part "confiant" qu'une issue serait trouvée.
Carlos Gutierrez a rappelé à ce sujet que les entreprises et le reste monde regarderaient de près "la façon dont dont le problème sera traité (...) La communauté internationale souhaiterait voir un règlement transparent".
Le patron de la major britannique Shell, Jeroen van der Veer, sans vouloir commenter directement le cas TNK-BP, a pour sa part remarqué que le climat des affaires en Russie "n'est bien sûr pas parfait, mais qu'il est suffisamment bon pour que nous cherchions des opportunités", avec l'appui de partenaires russes.